Tuesday, October 2, 2007

Aimé Césaire

Ami de André Breton, Aimé Césaire fut fortement influencé par le surréalisme. Chantre de la négritude, il cherche à se dégager de la culture occidentale pour retrouver son identité initiale et par là celle de l'africain exilé.

Son oeuvre:

Poésie:

-Soleil cou coupé, 1948
-Cahier d'un retour au pays natal, 1947
-corps perdus
-Ferrements
-Cadastre
-une tempète

autres :

-Une saison au Congo
- la Tragédie du roi Christophe 1963
- les armes miraculeuses
- discours sur le colonialisme
-Et Les chiens e taisaient
-Toussaint Louverture

Aimé Fernand David Césaire (né à Basse-Pointe, Martinique, le 26 juin 1913) est un poète et homme politique français. Il est l'un des fondateurs du mouvement littéraire la Négritude.

Né dans une famille de six enfants, son père est enseignant et sa mère couturière. Son grand-père était le premier enseignant noir en Martinique et sa grand-mère, contrairement à beaucoup de femmes de sa génération, savait lire et à écrire l'apprit très tôt à ses petits Aimé Césaire est né le 26 juin 1913 au sein d'une famille nombreuse de Basse Pointe, commune du Nord-Est de la Martinique, bordée par l'océan Atlantique dont la «lèche hystérique» viendra plus tard rythmer ses poèmes. Le père est un petit fonctionnaire, la mère est couturière.

Aimé Césaire, élève brillant du Lycée Schœlcher de Fort-de-France, poursuit ses études secondaires en tant que boursier du gouvernement français au Lycée Louis Le Grand, à Paris. C'est dans les couloirs de ce grand lycée parisien que, dès son arrivée, le jeune Césaire rencontre Léopold Sédar Senghor, son aîné de quelques années, qui le prend sous son aile protectrice.

Au contact des jeunes Africains étudiants à Paris, Aimé Césaire et son ami guyanais Léon Gontran Damas, qu'il connaît depuis le Lycée Schœlcher, découvrent progressivement une part refoulée de l'identité martiniquaise, la composante africaine dont ils prennent progressivement conscience au fur et à mesure qu'émerge une conscience forte de la situation coloniale. En septembre 1934, Césaire fonde, avec d'autres étudiants antillo-guyanais et africains (Léon Gontran Damas, les sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop), le journal L'Étudiant noir. C'est dans les pages de cette revue qu'apparaîtra pour la première fois le terme de «Négritude». Ce concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l'oppression culturelle du système colonial français, vise à rejeter d'une part le projet français d'assimilation culturelle et d'autre part la dévalorisation de l'Afrique et de sa culture, des références que le jeune auteur et ses camarades mettent à l'honneur. Construit contre le projet colonial français, le projet de la négritude est plus culturel que politique. Il s'agit, au delà d'une vision partisane et raciale du monde, d'un humanisme actif et concret, à destination des tous les opprimés de la planète. Césaire déclare en effet : « Je suis de la race de ceux qu'on opprime ».

Admis à l'École Normale Supérieure en 1935, Césaire commence en 1936 la rédaction de son chef d'oeuvre, le Cahier d'un Retour au Pays Natal. Marié en 1937 à une étudiante martiniquaise, Suzanne Roussi, Aimé Césaire, Agrégé de Lettres, rentre en Martinique en 1939, pour enseigner, tout comme son épouse, au Lycée Schœlcher.
En réaction contre le statu quo culturel martiniquais, le couple Césaire, épaulé par René Ménil et Aristide Maugée, fonde en 1941 la revue Tropiques, dont le projet est la réappropriation par les Martiniquais de leur patrimoine culturel. La seconde guerre mondiale se traduit pour la Martinique par un blocus qui coupe l'approvisionnement de l'île par la France. En plus d'un situation économique très difficile, l'envoyé du gouvernement de Vichy, l'Amiral Robert, instaure un régime répressif, dont la censure vise directement la revue Tropiques. Celle-ci paraîtra, avec difficulté, jusqu'en 1943.

La guerre marque aussi le passage en Martinique d'André Breton. Le maître du surréalisme découvre avec stupéfaction la poésie de Césaire et le rencontre en 1941. En 1944, Breton rédigera la préface du recueil Les Armes Miraculeuses, qui marque le ralliement de Césaire au surréalisme.

Invité à Port-au-Prince par le docteur Mabille, attaché culturel de l'ambassade de France, Aimé Césaire passera six mois en Haïti, donnant une série de conférences dont le retentissement sur les milieux intellectuels haïtiens est formidable. Ce séjour haïtien aura une forte empreinte sur l'œuvre d'Aimé Césaire, qui écrira un essai historique sur Toussaint Louverture et consacrera une pièce de théâtre au roi Henri Christophe, héros de l'indépendance.

Alors que son engagement littéraire et culturel constituent le centre de sa vie, Aimé Césaire est happé par la politique dès son retour en Martinique. Pressé par les élites communistes, à la recherche d'une figure incarnant le renouveau politique après les années sombres de l'Amiral Robert, Césaire est élu maire de Fort-de-France, la capitale de la Martinique, en 1945, à 32 ans. L'année suivant, il est élu député de la Martinique à l'Assemblée Nationale.

Le député Césaire sera, en 1946, le rapporteur de la loi faisant des colonies de Guadeloupe, Guyane Française, Martinique et la Réunion, des Départements Français. Ce changement de statut correspond à une demande forte du corps social, souhaitant accéder aux moyens d'une promotion sociale et économique. Conscient du rôle de la départementalisation comme réparation des dégâts de la colonisation, Aimé Césaire est tout aussi conscient du danger d'aliénation culturelle qui menace les martiniquais. La préservation et le développement de la culture martiniquaise seront dès lors ses priorités.

Partageant sa vie entre Fort-de-France et Paris, Césaire fonde, dans la capitale française, la revue Présence Africaine, aux côtés du sénégalais Alioune Diop, et des guadeloupéens Paul Niger et Guy Tirolien. Cette revue deviendra ensuite une maison d'édition qui publiera plus tard, entre autres, les travaux de l'égyptologue Cheikh Anta Diop, et les romans et nouvelles de Joseph Zobel.
En 1950, c'est dans la revue Présence Africaine que sera publié pour la première fois le Discours sur le colonialisme, charge virulente et analyse implacable de l'idéologie colonialiste européenne, que Césaire compare avec audace au nazisme auquel l'Europe vient d'échapper. Les grands penseurs et hommes politiques français sont convoqués dans ce texte par l'auteur qui met à nue les origines du racisme et du colonialisme européen.

Peu enclin au compromis, Aimé Césaire, révolté par la position du Parti Communiste Français face à l'invasion soviétique de la Hongrie en 1956, publie une «Lettre à Maurice Thorez» pour expliquer les raisons de son départ du Parti. En mars 1958, il crée le Parti Progressiste Martiniquais (PPM), qui a pour ambition d’instaurer «un type de communisme martiniquais plus résolu et plus responsable dans la pensée et dans l'action». Le mot d'ordre d'autonomie de la Martinique est situé au cœur du discours du PPM.

Parallèlement à une activité politique continue (il conservera son mandat de député pendant 48 ans, et sera maire de Fort-de-France pendant 56 ans), Aimé Césaire continue son œuvre littéraire et publie plusieurs recueils de poésie, toujours marqués au coin du surréalisme (Soleil Cou Coupé en 1948, Corps perdu en 1950, Ferrements en 1960). À partir de 1956, il s'oriente vers le théâtre. Avec Et les Chiens se taisaient, texte fort, réputé impossible à mettre en scène, il explore les drames de la lutte de décolonisation autour du personnage du Rebelle, esclave qui tue son maître puis tombe victime de la trahison. La Tragédie du Roi Christophe (1963), qui connaît un grand succès dans les capitales européennes, est l'occasion pour lui de revenir à l'expérience haïtienne, en mettant en scène les contradiction et les impasses auxquels sont confrontés les pays décolonisés et leurs dirigeants. Une saison au Congo (1966) met en scène la tragédie de Patrice Lumumba, père de l'indépendance du Congo Belge. Une tempête (1969), inspiré de Shakespeare, explore les catégories de l'identité raciale et les schémas de l'aliénation coloniale. Pensant à l'origine situer l'action de cette adaptation de Shakespeare aux États-Unis, il choisit finalement les Antilles, gardant tout de même le projet de refléter l'expérience noire aux Amériques.

Au total Césaire à publié plus de quatorze œuvres, recueils des poésies, pièces de théâtre et essais. De nombreux colloques et conférences internationales ont été organisés sur son œuvre littéraire qui est universellement connue. Son œuvre a été traduite dans de nombreuses langues: anglais, espagnole, allemand et cetera.

Oeuvres principales:

• Oeuvres complètes. (1. Poèmes; 2. Théâtre; 3. Oeuvre historique et poétique). Fort-de-France: Desormeaux, 1976.

Essais:

• Discours sur le colonialisme. Paris: Présence Africaine, 1955.
• Toussaint Louverture; La Révolution française et le problème colonial. Paris: Présence Africaine, 1961/62.

Poésie:

• Cahier d'un retour au pays natal. Paris: Présence Africaine, 1939, 1960.
• Soleil Cou Coupé. Paris: Éd. K, 1948.
• Corps perdu. (gravures de Pablo Picasso) Paris: Éditions Fragrance, 1950.
• Ferrements. Paris: Seuil, 1960, 1991.
• Cadastre. Paris: Seuil, 1961.
• Les Armes miraculeuses. Paris: Gallimard, 1970.
• Moi Laminaire. Paris: Seuil, 1982.
• La Poésie. Paris: Seuil, 1994.

Théâtre:

• Et les Chiens se taisaient, tragédie: arrangement théâtral. Paris: Présence Africaine, 1958, 1997.
• La Tragédie du roi Christophe. Paris: Présence Africaine, 1963, 1993.
• Une Tempête, d'après La tempête de Shakespeare: adaptation pour un théâtre nègre. Paris: Seuil, 1969, 1997.
• Une Saison au Congo. Paris: Seuil, 1966, 2001.

Entretiens:

• Louis, Patrice. Aimé Césaire: rencontre avec un nègre fondamental. Paris: Arléa, 2004.
• Nègre je suis, nègre je resterai, entretiens avec Françoise Vergès. Paris: Albin Michel, 2005.
Enregistrement audio:
• Aimé Césaire. Paris: Hatier, Les Voix de l'écriture, 1994.

Filmographie:

• Aimé Césaire, le masque des mots. Documentaire réalisé par Sarah Maldoror. RFO/La Sept, Médiathèque des trois mondes, 1987, 1990, 47 minutes.
• La Manière nègre, ou Aimé Césaire, chemin faisant. Documentaire, avec Lobo Dyabavadra. Réalisation et scénario, Jean-Daniel Lafond. L'Association coopérative des productions audio-visuelles (ACPAV) et la Société nationale de radio télévision française d'outre-mer, 1991, 59 minutes.
• Aimé Césaire, poète de l'universelle fraternité. Documentaire réalisé par Jean-François Gonzalez. Production: Centre Régional de Documentation Pédagogique (CRDP, Fort-de-France) et RFO, 1994, 52 minutes.
• Aimé Césaire, a Voice for History / Aimé Césaire: une voix pour l'histoire. Documentaire réalisé par Euzhan Palcy en trois parties de 50 minutes (1. L'Ile Veilleuse, 2. Au rendez-vous de la conquête, 3. La force de regarder demain), 1994.
• Aimé Césaire, Poet and Statesman. Entretien avec Ann Armstrong Scarboro (productrice); dirigé par Susan Wilcox, Full Duck Productions, 2002, 40 minutes.

Sur Césaire:

Ouvrages collectifs:

• Césaire 70, travaux réunis et présentés par Mbwil a Mpaang Ngal et Martin Steins. Paris: Silex, 1984.
• Leiner, Jacqueline, éd. Soleil éclaté: mélanges offerts à Aimé Césaire à l'occasion de son soixante-dixième anniversaire. Tübingen: G. Narr, 1985.
• Aime Césaire ou l'Athanor d'un alchimiste: Actes du premier colloque international sur l'oeuvre littéraire d'Aimé Césaire, Paris 21-23 novembre 1985. Paris: Éditions Caribéennes, 1987.
• Toumson, Roger et Jacqueline Leiner, éds. Aimé Césaire, du Singulier à l'Universel (Actes du Colloque International de Fort-de-France, 28-30 juin 1993). Numéro spécial d'Oeuvres et Critiques 19.2 (1994).
• Aimé Césaire, numéro spécial d'Europe (832-333) septembre 1998.
• Thébia-Melsan, Annick et Gérard Lamoureux, éds. Aimé Césaire, pour regarder le siècle en face. Paris: Maisonneuve & Larose, 2000.
• Aimé Césaire: une pensée pour le XXIe siècle, Actes du colloque en célébration du 90e anniversaire d'Aimé Césaire (Fort-de-France, 24-26 juin 2003, organisé par le Centre césairien d'études et de recherches). Sous la direction de Christian Lapoussinière; Jean-Georges Chali, éditeur scientifique. Paris: Présence Africaine, 2003.
• Aimé Césaire, un poète dans le siècle. Jacques Girault et Bernard Lecherbonnier, éds. Paris: L'Harmattan, 2006 (Itinéraires et contacts des cultures 35).
Études sur Césaire:
• Arnold, A. James. Modernism and Négritude: the Poetry and Poetics of Aimé Césaire. Cambridge, MA: Harvard University Press, 1981.
• Cailler, Bernadette. Proposition poétique: une lecture de l'œuvre d'Aimé Césaire. Sherbrooke, Québec: Naaman, 1976; Ivry-sur-Seine: Nouvelles du Sud, 1994.
• Carpentier, Gilles. Scandale de bronze: lettre à Aimé Césaire. Paris: Seuil, 1994.
• Confiant, Raphaël. Aimé Césaire; Une traversée paradoxale du siècle. Paris: Stock, 1994.
• Delas, Daniel. Aimé Césaire. Paris: Hachette, 1991.
• Hénane, René. Aimé Césaire, le chant blessé: biologie et poétique. Paris: Jean-Michel Place, 1999.
• Hountondji, Victor M. Le Cahier d'Aimé Césaire; Eléments littéraires et facteurs de révolution. Paris: L'Harmattan, 1993.
• Irele, Abiola. Cahier d'un retour au pays natal (édition du poème en français avec introduction, commentaires et notes en anglais). Columbus: Ohio State University Press, 2000.
• Juin, Hubert. Aimé Césaire: poète noir. Paris: Présence Africaine, 1956.
• Kesteloot, Lilyan et Barthélemy Kotchy. Aimé Césaire: l'homme et l'oeuvre. Paris: Présence Africaine, 1973, 1993.
• Kesteloot, Lilyan. Aimé Césaire. Paris: Seghers, 1979.
• Kubayanda, Josaphat Bekunuru. The Poet's Africa: Africanness in the poetry of Nicolas Guillén and Aimé Césaire. New York: Greenwood Press, 1990.
• Lebrun, Annie. Pour Aimé Césaire. Paris: Jean-Michel Place, 1994.
• Leiner, Jacqueline. Aimé Césaire: le terreau primordial. Tübingen: G. Narr, 1993.
• Mbom, Clément. Le Théâtre d'Aimé Césaire; ou, La primauté de l'universalité humaine. Paris: Nathan, 1979.
• Moutoussamy, Ernest. Aimé Césaire: député à l'Assemblée nationale, 1945-1993. Paris: L'Harmattan, 1993.
• Ngal, Georges. Aimé Césaire, un homme à la recherche d'une patrie. Paris: Présence Africaine, 1994.
• Nne Onyeoziri, Gloria. La Parole poétique d'Aimé Césaire: essai de sémantique littéraire. Paris: L'Harmattan, 1992.
• Owusu-Sarpong, Albert. Le temps historique dans l'oeuvre théâtrale d'Aimé Césaire. Sherbrooke, Québec: Naaman, 1986; Paris: L'Harmattan, 2002.
• Pallister, Janis L. Aimé Césaire. New York: Twayne, 1991.
• Réjouis, Rose-Myriam. Veillées pour les mots; Aimé Césaire, Patrick Chamoiseau et Maryse Condé. Paris: Karthala, 2005.
• Ruhe, Ernstpeter. Aimé Césaire et Janheinz Jahn. Les débuts du théâtre césairien. La nouvelle version de "Et les chiens se taisaient". Würzburg, Königshausen & Neumann, 1990.
• Scharfman, Ronnie Leah. Engagement and the language of the subject in the poetry of Aimé Césaire. Gainesville: University of Florida Press, 1987.
• Songolo, Aliko. Aimé Césaire: une poétique de la découverte. Paris: L'Harmattan, 1985.
• Toumson, Roger et Simonne Henry-Valmore. Aimé Césaire, le nègre inconsolé. Paris: Syros / Fort-de-France: Vents des Îles, 1994.
• Towa, Marcien. Poésie de la négritude: approche structuraliste. Sherbrooke, Québec: Éditions Naaman, 1983.

Articles sélectionnés:

• Arnold, A. James. "Césaire's Notebook as Palimpsest: The Text before, during, and after World War II". Research in African Literatures 35.3 (Fall 2004): 133-140.
• Nesbitt, Nick. "History and Nation-Building in Aimé Césaire's La tragédie du Roi Christophe". Journal of Haitian Studies 3/4 (1997/98): 132-148.
• Rosello, Mireille. "The 'Cesaire Effect,' or How to Cultivate One's Nation". Research in African Literatures 32.4 (Winter 2001): 77-91.
• Sarnecki, Judith Holland. "Mastering the Masters: Aimé Césaire's Creolization of Shakespeare's The Tempest". The French Review 74.2 (December 2000): 276-286.
• Wilks, Jennifer. "Writing Home: Comparative Black Modernism and Form in Jean Toomer and Aimé Césaire". Modern Fiction Studies 51.4 (Winter 2005): 801-823.

Traductions:

In English:

• Return to my Native Land. (édition bilingue) Trad. Emil Snyders. Paris: Présence Africaine, 1968.
• A Season in the Congo. Trad. Ralph Manheim. NY: Grove, 1968.
• The Tragedy of King Christophe. Trad. Ralph Manheim. New York: Grove, 1969, 1970.
• Discourse on Colonialism. Trad. Joan Pinkham. New York: Monthly Review Press, 1972, 2000.
• Aimé Césaire: The Collected Poetry. Trad. Clayton Eshleman and Annette Smith. Berkeley: U. of California Press, 1983.
• Non-vicious Circle: Twenty Poems of Aimé Césaire. Trad. Gregson Davis. Stanford: Stanford University Press, 1984.
• A Tempest. Trad. Richard Miller. NY: Ubu Repertory, 1986.
• Lost Body = Corps perdu. (illustrations by Pablo Picasso.) Trad. Clayton Eshleman and Annette Smith. NY: Brazillier, 1986.
• Lyric and Dramatic Poetry, 1946-82. (Poetry and Knowledge; And the Dogs were Silent; Moi, laminaire). Trad. Clayton Eshleman and Annette Smith. Charlottesville: CARAF, 1990.
• Notebook of a Return to my Native Land. (édition bilingue) Trad. Mireille Rosello and Pritchard. Newcastle upon Tyne: Bloodaxe, 1995.
• Notebook of a Return to the Native Land. Trad. Clayton Eshleman and Annette Smith. Middletown: Wesleyan University Press, 2001.

LA ROUE

La roue est la plus belle découverte de l'homme et la seule
il y a le soleil qui tourne
il y a la terre qui tourne
il y a ton visage qui tourne sur l'essieu de ton cou quand
tu pleures
mais vous minutes n 'enroulerez-vous pas sur la bobine à
vivre le sang lapé
l'art de souffrir aiguisé comme des moignons d'arbre par les
couteaux de l'hiver
la biche saoule de ne pas boire
qui me pose sur la margelle inattendue ton
visage de goélette démâtée
ton visage
comme un village endormi au fond d'un lac
et qui renaît au jour de l'herbe et de l'année
germe

pitié pour nos vainqueurs...

Ecoutez le monde blanc
horriblement las de son effort immense
ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures
ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique
écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites
écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement
Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs !


Cahier d'un retour au pays natal - extraits

Partir.

Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-
panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas

l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot

mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
dans sa soupière un crâne de Hottentot?


Je retrouverais le secret des grandes communications et des grandes combustions. Je dirais orage. Je
dirais fleuve. Je dirais tornade. Je dirais feuille. Je dirais arbre. Je serais mouillé de toutes les pluies,
humecté de toutes les rosées. Je roulerais comme du sang frénétique sur le courant lent de l'oeil des mots
en chevaux fous en enfants frais en caillots en couvre-feu en vestiges de temple en pierres précieuses assez loin pour décourager les mineurs. Qui ne me comprendrait pas ne comprendrait pas davantage le rugissement du tigre.
Et vous fantômes montez bleus de chimie d'une forêt de bêtes traquées de machines tordues d'un jujubier de chairs pourries d'un panier d'huîtres d'yeux d'un lacis de lanières découpées dans le beau sisal d'une peau d'homme j'aurais des mots assez vastes pour vous contenir
et toi terre tendue terre saoule
terre grand sexe levé vers le soleil
terre grand délire de la mentule de Dieu
terre sauvage montée des resserres de la mer avec
dans la bouche une touffe de cécropies
terre dont je ne puis comparer la face houleuse qu'à
la forêt vierge et folle que je souhaiterais pouvoir en
guise de visage montrer aux yeux indéchiffreurs des
hommes

Il me suffirait d'une gorgée de ton lait jiculi pour qu'en toi je découvre toujours à même distance de mirage - mille fois plus natale et dorée d'un soleil que n'entame nul prisme - la terre où tout est libre et fraternel, ma terre.

Partir. Mon coeur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».

Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte... Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai».
Et je lui dirais encore :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »

Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »